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La peinture s’est toujours imposée à moi comme une évidence. La complexité de son langage, ses résonnances en termes de couleurs m’ont toujours fait pressentir des correspondances avec l’énergie du lieu dans lequel je peins ; la forêt. Les arbres, les rochers, le vent, sont des entités avec lesquelles je peins. Ils sont vivants. Fascinée par cette présomption, je ne cesse, depuis une dizaine d’années, de l’invoquer en allant au plus près d’eux, me fondre dans leurs corps au milieu des feuilles au fond de ravins à la recherche d’une perceptibilité de lisière qui échappe à celle issue des mécanismes cérébraux et corporels qui nous composent. Sous l’action d’un geste, la couleur se fait verbe, énonce un dire, des paroles qui doivent se conjuguer avec celles d’une ombre se dessinant sur un tronc que le temps entraine ou la silhouette d’une branche au devant d’un bosquet. Des manifestations que j’accueille et auxquelles je dois répondre, prendre parti, ou pas. Peindre pour faire l’expérience du monde sans séparation et tenter d’exprimer cette conscience qui me saisit soudain ; cette conscience de ce Tout vivant dont nous faisons partie. Pour moi peindre c’est manifester cette conscience. Ma peinture est ce qui résulte de cette relation alchimique avec les êtres de la nature. Aller à la rencontre du fragile, de l’éphémère, se détourner de ce qui est impétueux, rêver d’un monde où on invoquerait les petites choses plutôt que le démesuré est ma manière d’affirmer une résistance devant la course effrénée du monde qui a besoin d’arrogance pour avancer.